C’est la fin de l’année, l’heure des retrouvailles, des fêtes qui s’accumulent, des bilans, des espoirs, des regrets. Celle des réconciliations qu’on espère, des retrouvailles que l’on appréhende, celle de l’abondance qui se retrouve massivement dans les estomacs et celle des estomacs qui rêvent à l’abondance mais grognent de son absence.
On jubile sur ce qu’on a trouvé, on rumine sur ce qu’on a perdu. J’ai eu la chance d’entendre une dame qui exprimait en termes rationnels comment l’attitude attire, et grand bien m’en fit. En regardant derrière, même très loin derrière, j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de vrai dans ses paroles sages. On ne contrôle ni les autres, ni le monde extérieur, mais on peut contrôler notre attitude face à tout ce qui n’est pas nous-même et voir, non pas le monde et les autres changer, mais le petit bout de monde qui nous entoure se modifier.
À moins d’être dans une situation catastrophique ou tout sans exception va mal, ce qui rend la chose plus compliquée, on a à tout moment le choix de fixer son attention sur le positif ou le négatif, pour créer une espèce de momentum qui se réflète dans notre attitude avec les autres et créer une réaction en chaîne. Il est clair pour moi que mon attitude face à ce qui m’arrive engendre une réaction du monde extérieur: la lourdeur attire la lourdeur et repousse la légèreté; la légèreté attire la légèreté et repousse la lourdeur.
Bien sûr, tout est encore une fois relatif. Mais tout de même, cette vision des choses mérite au moins d’être testée.
On peut avoir le coeur brisé et décider de prendre plaisir à flatter un chat. Et le plaisir de flatter ce chat, pendant un temps, effacera la douleur du coeur. Et si on le flatte assez longtemps, le chat ronronnera et nous rappellera que nous sommes une personne aimante et capable de faire du bien. C’est un exemple presque stupide mais pourtant, cela résume en gros ce principe du focus.
Flatte le chat. Aide un autre être humain. Fais rire quelqu’un. Et surtout, accepte le mot, le geste, la réaction de gratitude qui te reviendra. Attrape le petit moment de bonheur au vol et offre le ensuite au monde, sous une forme transformée par toi. Sans nécessairement hurler ton petit bout de bonheur sur tous les toits, ce qui peut en agacer certains, relaie-le par tes actions. Et vois comme un coeur peut se réparer plus vite qu’on le pense.
Et j’insiste sur le « ATTRAPE-LE ». C’est une étape essentielle à tout le processus. Comme celle de le redonner. Le monde déteste l’inertie. Le bonheur, comme le sang de nos veines, doit circuler. Et ce bonheur, par résonance, attirera les gens qui le cherchent et nous attirera à d’autres qui nous ressemblent ou qui ont besoin de cette version du bonheur qu’on a à offrir tout en ayant eux-même une version du bonheur dont nous avons besoin.
En tant qu’être sensible, la bêtise, la haine et la misère humaine ont tendance à m’affecter au point où je sens le besoin de prendre position, parfois lourdement, et j’ai réalisé que c’était peut-être parce que cette roue du bonheur avait son antithèse. Antithèse véhiculée par les médias et leur acharnement à dépeindre un monde sombre et rempli d’ennemis créés de toute pièce et à la fois publiciser de fausses portes de sortie du malheur par du divertissement aussi vide que la bouffe d’un McDo, dont on est jamais rassasié parce qu’il ne nous nourrit absolument pas, ou si peu qu’on cherche avidement le prochain « fix ».
Je crois que c’est là où, personnellement, je fais erreur. Il s’agit visiblement d’un piège et ma sensibilité fait que je me fais prendre. Je suis déchiré entre la culpabilité de me taire alors qu’il serait de mon devoir de parler dans l’espoir de changer des choses, et l’idée de me taire en me disant que fondamentalement, je ne suis pas affecté par ces luttes et je n’ai pas à me révolter outre-mesure pour des batailles qui ne sont pas les miennes, puisqu’elles me mettent dans un état où ma colère ne fait qu’en créer d’autre.
Je ne suis pas pauvre. Quand les pauvres en auront vraiment marre, comme ça c’est déjà fait dans l’histoire, ils se révolteront. Quand les enseignants, les travailleurs et travailleuses de certains secteurs en auront vraiment marre, ils se battront jusqu’au bout pour gagner ce qu’ils croient mériter. Quand les citoyens en auront marre de se faire rouler et voler, ils se battront jusqu’au bout pour que ça arrête. Quand les racisés et autres marginalisés en auront vraiment marre, ce ne sera plus une minorité qui ira au front mais l’ensemble d’entre eux. Et toutes ces souffrances devront aussi cesser de ne responsabiliser que ce qui se passe à l’extérieur d’elles-mêmes et réfléchir à leur propre dynamique selon cette idée du focus, de l‘attraction.
Nous sommes dans une époque où tout est polarisé, où les oppresseurs et les victimes se confondent. Ai-je vraiment besoin de me mettre au milieu? Ou plutôt, en ai-je vraiment envie?
À vrai dire, c’est peut-être un débat intérieur qui ne se terminera jamais. Mais en ce moment, sérieusement, j’en ai marre de me révolter pour d’autres qui en sont tout à fait capables par eux-même.
J’ai deux chats à flatter, de la bouffe sur la table, un toit sur la tête, un cerveau créatif dedans, et des amis, dont plein de nouveaux, pour jouer, échanger, partager, aimer. J’ai une famille que j’aime, des gens à qui je fais du bien et qui m’en font en retour, un travail pour lequel j’ai hâte de me lever le matin et la reconnaissance de mes collègues. De l’amour à donner, à ceux qui en veulent. Pour les autres, je n’y peux rien. Je les aimerai à distance en leur souhaitant le meilleur.
Ce que cette sage dame m’aura « ré-appris », c’est que je ne devrais pas me laisser entraîner par ma sensibilité dans les bulles d’autrui qui me rendent triste, malheureux, alors que chaque matin qui passe je me lève en chantonnant et en me disant que j’ai le devoir d’accepter la chance que j’ai et d’en faire profiter cette partie du monde qui en veut.
Je peux peut-être prendre un break de vouloir changer un monde qui n’en a pas vraiment envie. Je peux peut-être renoncer à l’indignation pour des guerres qui ne sont pas les miennes. Je peux peut-être décider que ma contribution au monde se fera par ma joie et non par des paroles enflammées. Et je peux le faire, parce que je me sais doté d’une capacité d’adaptation, d’une résilience qui me surprend toujours. Je suis plus que capable de me battre, mais je suis avant tout un être de douceur et de joie. C’est la douceur et la joie qui me nourrissent et me rassasient. Alors c’est elles que je veux choisir d’exprimer, de donner, de recevoir. Les offrir à ceux et celles qui en voudront. Pour les autres, je ne vais pas m’acharner.
Le monde a besoin de soleil. Pas d’un nuage noir de plus.